Interview – Nawaat (4 décembre 2012) FR

Premier Festival de la Mémoire

Interview de Farah Hached par Lilia Weslaty, Nawaat (4 décembre 2012)

Nawaat : Mme Farah Hached, l’initiative du Festival de la Mémoire est pionnière en Tunisie, quel est son objet ?

Depuis le 17 décembre 2010, c’est la première fois dans l’histoire de la Tunisie que les Tunisiens écrivent enfin leur propre histoire et ont l’opportunité de définir leur mémoire collective, qui a été souvent confisquée, voire niée par les dictatures successives, y compris celle de l’époque coloniale.

Nous pensons, au Labo’ Démocratique, que la question de la mémoire doit appartenir à la société et non pas aux gouvernants, aux partis politiques, aux experts ou à un individu seul. L’intervention de ces différents acteurs est nécessaire mais elle ne doit pas exclure la société du débat, toute la société.
C’est pour cela que nous avons lancé un festival, par nature ouvert à tous, qui traitera des thèmes mémoriels non pas uniquement avec des conférences d’experts mais aussi à travers des activités artistiques et culturelles.

Le festival permettra également aux associations travaillant dans le domaine de la justice transitionnelle de se faire connaître.

Nawaat : Vous avez crée l’Association Labo-Démocratique et vous poursuivez des actions inédites dans le domaine de la mémoire et du traitement des Archives de la police politique. Cette tâche est loin d’être facile, pouvez-vous nous parler de vos motivations ? ( d’ordre personnel de préférence-qu’est ce qui vous a poussé, vous personnellement, à entamer ce travail gigantesque avec votre équipe ?)

Notre travail consiste à créer le débat et faire des propositions sur des questions tournant autour de la notion de démocratie. Le thème de la mémoire et des archives et fichiers de police fait partie de notre domaine d’intervention.

Nous avons choisi ce thème car nous pensons que les services de renseignement ont été au cœur de la dictature. On ne peut avoir une démocratie si on ne crée pas des lois particulières relatives aux services de renseignement et leurs archives/fichiers. Dans le cas contraire, les futurs gouvernants utiliseront le même système mis en place par la dictature et deviendront des dictateurs.

Pour ce qui concerne mes motivations personnelles, je pense que c’est mon histoire familiale qui m’a poussé vers ce thème. Mon père, qui a passé toute sa vie à chercher la vérité sur l’assassinat de son père, Farhat Hached, m’a transmis la même soif de découvrir la vérité. Je sais combien il est important pour les familles de ceux qui ont perdu un proche à cause de l’agissement d’un Etat d’obtenir au moins reconnaissance.

Sur le site du festival de la mémoire qui aura lieu à Tunis du 6 au 8 décembre, on trouve le programme en intégralité. Vous m’avez parlé de votre souci de diversité des invités, pouvez-vous en dire plus à nos lecteurs ? Et pourquoi êtes-vous sourcilleuse sur ce point ?

La question de la mémoire touche tous les citoyens. Elle ne doit pas être instrumentalisée. Sinon, elle peut engendrer une division profonde de la société, ou un retour à la dictature. Nous souhaitons, en tant que membres de la société civile que toutes les sensibilités s’expriment lors de notre festival pour que les débats soient les plus riches possibles, dans la sérénité.

Le rôle de la société civile est de s’intéresser aux hommes et aux femmes et non pas à aux idées partisanes. Elle doit être une courroie de transmission entre la société d’une part et les gouvernants d’autre part. Dans ce cadre, elle se doit de rester neutre et d’être à l’écoute de toutes les sensibilités politiques.